Nkengfua vincent
Inspecteur principal des Douanes, coordonnateur de la mission Halcomi 3 zone 1, service spécial mis sur pied par la Direction générale des Douanes pour lutter contre la contrebande et les trafics illicites. Il explique ses missions et parle des différentes actions menées sur le terrain pour traquer fraudeurs et faire augmenter les recettes douanières.
En quoi consiste la mission Halcomi ?
La mission Halte au commerce illicite est une mission spéciale mise en place par le Minfi et coordonnée par la direction générale des Douanes pour accompagner la mobilisation des recettes budgétaires, la lutte contre la contrebande et les grands trafics qui menacent non seulement notre tissu économique, mais aussi, la santé, l’environnement et même la sécurité, pour ne citer que ceux là. Nous sommes appelés dans le cadre de cette mission à appuyer les services opérationnels de la douane dans la lutte contre ces divers trafics et grosso-modo dans la protection de notre espace vital. La douane fait ce travail aussi dans le cadre de sa mission d’instrument de protection sociale. C’est une mission de la douane pas assez connue du grand public comme c’est le cas pour la perception des taxes de douanes, la protection de l’espace économique, ses missions traditionnelles.
Comment se déroule votre mission sur le terrain ?
S’agissant de la mission de protection de notre espace vitale, nous le faisons en appui aux administrations sectorielles concernées. Si aujourd’hui, la douane intervient dans le secteur de la santé, c’est en appui aux services de santé, dans ce sens la douane a intensifié le contrôle du matériel de lutte contre la covid-19 dans le cadre d’une mission de l’organisation mondiale des douanes, Stop 2. Une mission spéciale mise en place par cette organisation pour accompagner les administrations des pays membres pour le soutien des pouvoirs publics dans la lutte contre la covid-19.
Et pourquoi la covid-19 ?
Vous savez qu’à chaque fois qu’on est dans une situation de détresse généralisée des populations, il y a des gens qui en profitent pour faire écouler les marchandises illicites. Ces marchandises vont encore contribuer à dégrader la situation sanitaire déjà assez grave. Pour faire face à cette éventualité nous avons intensifié le contrôle à l’importation de tout ce qui entre dans la lutte contre le coronavirus. Nos éléments ont donc saisi un stock important de test covid-19 entre les mains des personnes non habilitées. Nous savons tous que la santé est un secteur délicat et il n’y a que les professionnels de la santé qui doivent avoir des agréments pour importer le matériel dédié à ce domaine. Tout comme les médicaments. Nous avons auditionné ces personnes qui n’ont pas pu nous produire les autorisations. Nous les avons remis à la délégation de la santé. Pour le moment, nous ne voudrons pas entrer dans les détails avant que les résultats de l’expertise ne nous soient communiqués. Quant à l’individu responsable de ce trafic, nous avons consigné ses déclarations sur procès-verbal. Nous avons immédiatement saisi la délégation de la santé pour l’expertise de ces covid tests. Tout simplement parce qu’un produit peut être prohibé à deux titres. Premièrement, parce que la marchandise n’est pas couverte par toutes les autorisations nécessaires, deuxièmement parce ce qu’il est nocif. Cependant, Nous sommes toujours en attente des résultats.
Ça veut dire que ces individus sont toujours en liberté ?
Tout à fait. Aucune loi ne nous autorise à les priver de liberté. Comme nous les avons auditionnés, nous avons pris tous leurs coordonnées avec leurs numéros de carte d’identité. Le moment venu, les services appropriés iront vers eux.
Vous avez certainement d’autres missions régaliennes. Quelles sont les autres saisies que vous avez opérées au courant de cette année en dehors de ces tests covid-19 ?
La mission Halcomi a pour rôle, comme je venais dire, de lutter contre le commerce illicite en importation. Les missions de la douane sont relatives à l’importation en priorité. Entre le 13 février et 26 avril 2020, nous avons saisi 68 grosses cylindrées parmi lesquels 49 ayant déjà été traités ont généré des droits compromis de 139 700 000 francs de droits et 45 700 000 francs d’amendes. Et les 19 véhicules restent en attente de traitement, nous avons saisi un autre important stock de produits prohibés. Notamment les produits pharmaceutiques qui ont fait l’objet d’une cérémonie de destruction médiatisée. Egalement des emballages plastiques non biodégradables, des produits d’hydrocarbures et des acides nitriques ou précurseurs chimiques. Ces derniers ne sont pas des produits dangereux en tant que tel mais ils peuvent être utilisés pour la fabrication des bombes artisanales. Avec l’insécurité en cours, vous comprenez pourquoi nous devons accentuer notre vigilance sur ces produits. Entre autres.
Cette action répressive a également eu pour effet induit d’amener certains usagers à se rapprocher spontanément du service pour s’enquérir du statut douanier de leurs véhicules et au besoin procéder à leur régularisation dans le cadre de ce nous appelons, déclaration et redressement volontaires 25 véhicules ayant généré 82.100.000 francs de droits et 24.100.000 francs d’amendes. Apart les véhicules, notre action au niveau des marchandises diverses a généré 111.200.000 francs de droits compromis et 49.050.000 francs d’amendes, soit un total de réalisation au cours des trois derniers mois de la somme de 333.000.000 francs de droits compromis et 118.850.000 francs d’amendes, soit un total général de 451.850.000 francs.
Donc, vous traquer juste les grosses cylindrées ?
La mission Halcomi cible les actions pour lesquelles les enjeux sont importants. Et là où notre étude de risques nous amène à identifier la fraude et la contrebande. Et nous ciblons les véhicules de luxe et les grosses cylindrées. C’est ça qui nous a permis d’avoir ce résultat. Et ça continue. Car, le soupçon que nous avons au départ sur certains compatriotes qui ont trouvé le moyen de s’offrir de grosses sans payer à l’Etat son dû, a été confirmé par ce contrôle que nous avons lancé. Ce que nous avons découvert à travers ce contrôle était une vraie atteinte à la fortune publique.
Dans sa répartition de ses sous-objectifs pour atteindre l’objectif globale de la Direction générale des Douanes, les véhicules constituent un secteur important pour des raisons évidentes. C’est une marchandise disponible. Les camerounais s’offrent de plus en plus les véhicules haut de gamme et on ne voit pas son impact au niveau des droits de Douanes. C’est ce réseau que nous avons démantelé. Et la Douane s’est offert les moyens de faire ce travail avec efficacité en développant une application informatique qu’on a baptisé Cosmos.
L’application Cosmos règle le problème que nous avions souvent lorsque les usagers disaient qu’ils ne savaient pas qu’ils devaient garder les documents douaniers par devers eux, ou qu’ils les ont oubliés ou laissés au bureau des transports pour l’établissement de la carte grise, Pour se soustraire de leurs obligations. En introduisant simplement le numéro de châssis du véhicule nous avons l’information en temps réel.
Qu’est-ce que cette application a changé dans votre fonctionnement ?
Aujourd’hui, avec cette application, le travail est facilité pour tout le monde. Ceux dont les véhicules ne sont pas dans le système, on leur demande de justifier leur dédouanement. Et quand ils n’arrivent pas à le faire, on se rend compte que le véhicule est entré par contrebande.
Quelle leçon tirons-nous de tout cela ?
La leçon tirée est que nous constatons une forte prévalence de fausses cartes grises présentés par des propriétaires des véhicules.
Comment comptez-vous résoudre ce conflit permanent entre les services de transports qui délivre les cartes grises et la douane ?
Nous savons tout simplement que nous découvrons des fausses cartes grises pour lesquelles même les services de transports eux-mêmes ne se reconnaissent pas. C’est comme tout faux document dont seul le détenteur connait sa provenance. Cependant, je préfère aborder cette question dans la prospective, parce que la loi des finances 2019 dans son article 20, demande un échange d’informations entre l’administration des Douanes et le service des transports pour permettre une meilleure coordination et éviter les tripatouillages des documents.
Est-ce que l’application Cosmos est disponible au ministère des transports pour permettre aux fonctionnaires de ce département ministériel de vérifier si le véhicule a été dédouané ?
L’application Cosmos est conçue pour être disponible partout et pour tous. Quand elle sera dans sa forme finale, il y aura un portail disponible au public. Nous sommes déjà en train de sensibiliser les populations sur les transactions commerciales sur les véhicules non dédouanées ou mal dédouanées, qui exposent leurs propriétaires à des désagréments au-delà de faire perdre à l’Etat d’importantes ressources. Les gens doivent vérifier l’existence et l’authenticité des documents de dédouanement des véhicules qu’on leur propose avant de s’engager dans les opérations d’achat. Ceci pour éviter les palabres entre vendeurs et acheteurs des véhicules. Nous profitons donc de votre tribune pour sensibiliser les populations afin de les prévenir des risques encourus.
Que fait-on des véhicules qui ne sont pas régularisées ?
Les propriétaires ont trois mois pour se mettre en règle. Dans le cas contraire, leurs voitures seront inscrites parmi les véhicules à vendre aux enchères.
Propos recueillis par Grace Engome